Hypocondrie, comprendre pour traiter

L'hypocondrie, une notion désuète

Elle a disparu du DSM 5 (la bible des psychiatres) à juste titre, pour laisser place au "trouble d'anxiété liée à la maladie".
Le DSM 4 la définissait ainsi :
A. Préoccupation centrée sur la crainte ou l'idée d'être atteint d'une maladie grave, fondée sur l'interprétation erronée par le sujet de symptômes physiques.
B. La préoccupation persiste malgré un bilan médical approprié et rassurant.
C. La croyance exposée dans le critère A ne revêt pas une intensité délirante (comme dans le trouble délirant, type somatique) et ne se limite pas à une préoccupation centrée sur l'apparence (comme dans le trouble: peur d'une dysmorphie corporelle).
D. La préoccupation est à l'origine d'une souffrance cliniquement significative ou d'une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.
E. La durée de la perturbation est d'au moins 6 mois.
F. La préoccupation n'est pas mieux expliquée par une anxiété généralisée, un trouble obsessionnel-compulsif, un trouble panique, un épisode dépressif majeur, une angoisse de séparation ou un autre trouble somatoforme.

Ce dernier point veut dire qu'on ne doit pas poser le diagnostic d'hypocondrie si le sujet a d'autres sujets d'anxiété démesurée. Les personnes anxieuses en général le sont souvent aussi vis-à-vis de leur santé, ça n'a rien de spécifique.
Lorsque c'est spécifique, c'est à dire lorsque l'anxiété ne se focalise que sur la peur d'avoir une maladie grave, il s'agit tout simplement d'une phobie spécifique : une peur d'être malade persistante et intense, irraisonnée ou excessive, dans laquelle un symptôme provoque à chaque fois ou presque une anxiété pouvant aller jusqu'à la crise de panique. Dans toute phobie, la personne sait que ses réactions sont irraisonnées ou excessives, elle ne croit pas qu'elle a raison d'être anxieuse.

Le critère C est mal posé, il parle de croyance erronée sans "intensité délirante". Or le délire n'est pas du tout défini par une intensité! Le délire, c'est le fait d'avoir des "convictions erronées qui sont maintenues malgré la présence de preuves évidentes de leur irréalité". Ce que signifie ce critère, c'est que la personne croit être malade tant qu'on ne lui a pas apporté de preuves évidentes du contraire... ce qui est impossible! On peut prouver la normalité de certains paramètres mais il n'existe aucun moyen de prouver l'absence de toute maladie.

De tous temps, des personnes ayant de vraies maladies invalidantes (par ex. la sclérose en plaques) ont été diagnostiquées hypocondriaques parce que les examens permettant d'objectiver leur trouble n'avaient pas été faits : le critère B n'était pas rempli.
Dans ces cas là ce diagnostic est donc donné à tord. Or il se trouve que les examens appropriés ne sont que rarement effectués, causant des errances médicales qui peuvent durer plusieurs décennies... Décennies durant lesquelles même des patients atteints de maladies connues et facilement diagnosticables sont en fait considérés comme fous ou capricieux.
Un médecin devant un véritable cas d'hypocondrie se devrait d'apporter une aide au patient, or en général les médecins utilisent ce terme à tord et à travers pour désigner les patients qu'ils pensent ne pas devoir aider... parce qu'en fait ils ne savent pas les aider!

De hypo (sous), et khondros (cartilage des côtes), le terme désignait au départ une douleur sous les côtes. Comme les médecins ne pouvaient pas palper cette zone, ils croyaient arbirairement que le patient était un malade imaginaire.

Cette utilisation du terme est bien celle qui a perduré : les médecins appellent hypocondriaques les patients dont ils ne comprennent pas les maux.

Les croyances courantes sur l'hypocondrie

Dans la culture populaire, l'hypocondrie est souvent confondue avec un délire : on présente des personnages qui répètent qu'ils ont le cancer ou une autre maladie grave. Ca n'a aucun rapport avec la définition de l'hypocondrie, c'est un trouble délirant où la croyance persiste malgré des preuves indiscutables de sa fausseté. Contrairement à ce que croient la plupart des gens, un hypocondriaque sait parfaitement qu'il est hypocondriaque.

Elle est aussi amalgamée avec l'hystérie, autre notion désuète issue de croyances.
De la même façon, l'hystérie est un prétexte qu'ont trouvé des médecins pour dissimuler les limites de leurs connaissances : toute maladie qu'ils ne comprenaient pas était qualifiée d'hystérie de conversion, c'est à dire de maladie physique d'origine purement psychologique. L'hystérie est très différente de l'hypocondrie, elle désigne des gens qui ont des symptômes importants mais mal compris.

Aujourd'hui on utilise plutôt le terme "psychosomatique" pour désigner cette même maladie imaginaire, et le plus souvent ça se traduit par "c'est le stress". Or l'hystérie n'existe pas! Il n'y a pas de malades imaginaires, il y a des maladies imaginaires pour combler les vides.
L'anxiété, la phobie, le stress post-traumatique en revanche, tout ça existe et se soigne.

L'hypocondriaque n'est pas un faux malade, c'est un vrai anxieux qui a besoin de vrais soins pour traiter son anxiété.
Le délirant n'est pas un faux malade, c'est un vrai délirant qui a besoin de vrais soins pour traiter son délire.
Et le soit-disant "hystérique" est un vrai malade dont on doit chercher à comprendre la maladie pour lui donner un vrai diagnostic et des vrais soins adaptés à ce diagnostic.
 

Le trouble d'anxiété liée à la maladie

Traduction des critères de diagnostic du DSM 5 :
A. Préoccupation d'avoir ou d'acquérir une maladie grave.
B. Les symptômes somatiques ne sont pas présents, ou sont peu intenses. S'il y a une autre maladie ou un haut risque d'en développer une (forts antécédants familiaux par ex.), la préoccupation est clairement excessive ou disproportionnée.
C. Il y a un haut niveau d'anxiété à propos de la santé, et l'individu s'inquiète facilement de son état de santé.
D. La personne a des comportements excessifs par rapport à sa santé (par ex. surveille fréquemment son corps à la recherche de signes de maladie) ou présente un évitement inadapté (par exemple, évite les rendez-vous chez le médecins et les hôpitaux).
E. La préoccupation pour la santé est présente depuis au moins 6 mois, mais la maladie spécifiquement crainte
peut changer au cours de cette période de temps.
F. La préoccupation liée à la maladie n'est pas mieux expliquée par un autre trouble mental, comme : trouble à symptomatologie somatique, trouble panique, trouble d'anxiété généralisée, dysmorphophobie, trouble obsessionnel-compulsif ou trouble délirant de type somatique.

Cette définition est plus claire, elle ne parle plus du très improbable " bilan médical approprié" ni de croyances. Mais elle est reste inutile car c'est bien d'une phobie spécifique qu'il s'agit.

C'est exactement comme l'arachnophobie dont je souffrais : j'avais très peur de croiser des araignées inoffensives chaque fois que c'était probable (par exemple en jardinant) ; j'avais donc des comportements excessifs pour les éviter et lorsque j'en croisais ; ça a duré des années jusqu'au traitement ; c'était une anxiété isolée, sans lien avec un autre trouble.

D'après les témoignages des personnes qui en souffrent, les origines du trouble d'anxiété liée à la maladie sont soit un stress post-traumatique lié à la maladie (avoir combattu une maladie grave ou cotoyé une personne mourante par exemple), soit une phobie transmise par leur famille qui leur a appris à s'inquiéter de tout symptôme.
 

Conclusion et traitement

Pour ceux qui ont autre chose qu'une phobie, il faut lâcher les faux diagnostics pour traiter le vrai problème  : stress post-traumatique, anxiété généralisée, maladie physique, trouble délirant...

Pour ceux qui souffrent de cette phobie spécifique d'avoir une maladie grave, il faut un traitement adapté aux phobies. Je vous partage mon expérience de quasi guérison de mon arachnophobie grâce à la méthode TIPI, et quelques autres pistes.
 

Date de dernière mise à jour : 25/05/2018

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